Dossier réalisé par Patrick Philipon, journaliste scientifique.

En collaboration avec le Pr Bogdan Nicolescu-Catargi, spécialiste en Endocrinologie et métabolisme, Hôpital Saint-André, Bordeaux.


Une stabilité toute relative

hez une personne en bonne santé, le taux de glucose dans le sang, ou glycémie, reste relativement constant tout au long du nycthémère. Une régulation hormonale le maintient en effet dans des limites étroites. Toute sortie hors de ces limites, appelée “excursion”1 aurait des effets délétères. 

Malgré la régulation, la glycémie n’est toutefois pas strictement étale. Elle suit un profil déterminé d’une part par les variations de la consommation de glucose par l’organisme – les muscles squelettiques durant l’effort, par exemple – et, d’autre part, par les apports en glucides alimentaires. 

En fonction des repas, l’organisme passe ainsi successivement par trois états : 

  • l’état postprandial, qui suit un repas, correspond à la phase de digestion et d’absorption des glucides alimentaires. Il dure environ 4 heures. La glycémie, qui s’élève initialement, revient aux valeurs préprandiales en 2 heures chez le sujet sain ; 
  • l’état préprandial, ou post absorptif. L’organisme utilise ses réserves en glucose, la glycémie est basse ; 
  • l’état de jeûne, qui commence 10-12 heures après la dernière prise alimentaire. C’est le moment de la glycémie minimale2

Un sujet prenant trois repas quotidiens passe donc environ 12 heures par jour en état postprandial, et seulement deux ou trois – les dernières de la nuit – en état de jeûne. 


L’effet des repas

Certains organes, comme le cerveau, utilisent du glucose de manière continue et indépendante de la régulation hormonale. D’autres, comme les muscles ou le tissu adipeux, font varier leur consommation en fonction de l’effort physique et de l’insuline. Mais ce sont bien les repas qui fournissent les glucides extérieurs et déclenchent des réponses hormonales, donc finalement déterminent le profil glycémique nycthéméral. 

Une fois évacués de l’estomac, les aliments passent dans l’intestin où les glucides sont digérés et absorbés vers le sang. Dans le même temps, le foie cesse de produire du glucose endogène et commence à synthétiser du glycogène, donc à mettre en réserve, dans le foie, une partie du glucose excédentaire. Les muscles stockent également du glucose, ou le lysent pour produire de l’énergie. Le tissu adipeux peut également stocker du glucose, sous forme de triglycérides. Cette réaction coordonnée de l’organisme est due à un pic d’insuline survenant en quelques minutes, suivi d’une longue période de sécrétion soutenue de cette hormone, jusqu’au retour à une glycémie normale. La sécrétion de glucagon est au contraire bloquée. Dans ces conditions, la glycémie revient à des valeurs préprandiales en deux heures chez la personne saine, alors même que l’absorption intestinale des glucides se poursuit2


Un jeu parfois faussé

Chez une personne diabétique, les “excursions” glycémiques sont plus fréquentes, longues et intenses3. En cause : la résistance de l’organisme (foie et muscles en particulier) à l’insuline4, ainsi qu’une moindre sécrétion de cette hormone. La production de glucagon peut aussi être augmentée. Dès lors, le foie ne cesse pas de produire du glucose après les repas. À cette production endogène nettement plus élevée que chez une personne saine vient s’ajouter le glucose exogène, car les muscles le stockent moins bien. Globalement, il y plus de glucose dans le sang pendant plus longtemps. 


Les trois glycémies : que mesure-t-on ?

Il existe trois manières de mesurer la glycémie, correspondant à différents états physiologiques. 

La glycémie à jeun, test le plus courant, donne la glycémie basale. Il se pratique le matin avant le petit déjeuner. Le diabète est déclaré à partir de 1,26 g/L5

L’hémoglobine glyquée, ou HbA1c. Ce test représente une “mémoire” globale de la glycémie sur les trois derniers mois, il prend donc en compte tous les états, y compris la glycémie postprandiale. 

L’hyperglycémie provoquée par voie orale (HGPO) ou épreuve de tolérance au glucose, consiste à donner au patient 75 grammes de glucose à manger, puis attendre 2 heures avant de mesurer sa glycémie6. La glycémie postprandiale ne dépasse pas 1,40 g/L chez le sujet sain. Au-delà commence l’intolérance au glucose.  

Test contraignant donc très peu pratiqué, l’hyperglycémie provoquée par voie orale est utile pour diagnostiquer une diminution de la tolérance au glucose (marqueur de risque de développement d’un diabète et/ou de complications cardiovasculaires), un diabète gestationnel ou éventuellement une problématique d’hypoglycémie réactive8. Aujourd’hui le test est utilisé en particulier pour le dépistage d’un diabète lors d’une grossesse. Le test se fait alors avec 75 grammes de glucose, la glycémie une heure après doit être inférieure à 1,80 g/l, et celle-ci doit être inférieure à 1,53 g/L après deux heures7


Pourquoi faut-il se préoccuper de l’hyperglycémie postprandiale ?

À raison de trois repas par jour, l’organisme passe en moyenne 12 heures, soit la moitié du temps, en état postprandial. Un trouble de la régulation glycémique à ce moment-là aura donc des conséquences importantes. 

L’hyperglycémie postprandiale (HPP) “simple”, ou intolérance au glucose, constitue une alerte précoce. Elle est en effet la première étape d’une éventuelle progression vers le diabète de type 2. 

Chez le patient diabétique bien contrôlé (HbA1c < 7%)9, l’hyperglycémie postprandiale, très fréquente, représente la majeure partie du déséquilibre glycémique global. Abaisser encore l’HbA1c impliquera donc une action résolue à ce niveau-là. Au contraire, en cas de diabète très avancé, ce sont les glycémies préprandiales et de jeûne qui contribuent majoritairement à l’HbA1c. 

Enfin, le diabète, en particulier lorsqu’il est mal contrôlé, ainsi que l’hyperglycémie postprandiale élevée, augmentent le risque de maladies cardiovasculaires3. Ces facteurs sont également liés à des atteintes rénales, oculaires, ainsi que des problèmes cognitifs chez les personnes âgées3


L’hygiène de vie, un facteur déterminant

Comment bien vivre avec l’hyperglycémie postprandiale, voire le syndrome métabolique en général ? La première réaction, et même la première étape de la prise en charge médicale, consiste à reconsidérer l’hygiène de vie4

En termes d’alimentation, la régularité des repas – sans sauter le petit déjeuner ! – est primordiale. Pour chaque repas, il convient de limiter les sucres “rapides” (voir encadré) et de combiner les glucides avec des aliments protéiques et lipidiques qui peuvent retarder leur absorption. Pas de prise sucrée (pâtisserie ou confiserie) isolée, donc. Les aliments riches en fibres végétales (pain complet, légumineuses…) sont recommandés car ils ralentissent la vidange gastrique ainsi que la digestion et l’absorption intestinales de glucides4

Un exercice physique régulier et adapté à ses possibilités ralentit également la progression de la maladie4

Pour réduire l’hyperglycémie postprandiale, il faut retarder et répartir l’absorption des glucides dans l’intestin. Or l’alimentation contient des glucides sous différentes formes : simples comme le glucose, le fructose ou composés comme l’amidon. Tous ne sont pas digérés à la même vitesse. Pour aider les patients à mieux s’y retrouver, un index simple, “l’index glycémique” a été mis au point.  

Si ces mesures ne suffisent pas à ramener la glycémie à des valeurs acceptables, on envisage la prise en charge médicamenteuse. 


Facteurs influençant l’amplitude et la durée de l’HPP

  • quantité et nature des glucides ingérés, présence d’autres nutriments
  • vitesse de vidange gastrique
  • vitesse de digestion et absorption intestinale des glucides
  • facteurs hormonaux (insuline, glucagon et hormones intestinales) et réaction du foie

Autant d’étapes sur lesquelles il est possible d’agir, soit par l’alimentation et l’activité physique soit, en cas de déséquilibre persistant, par une prise en charge médicamenteuse.

L’autosurveillance de la glycémie, qui requiert un apprentissage, peut aider le patient diabétique à contrôler ses “excursions”, en particulier postprandiales. C’est aussi une aide pour ajuster une éventuelle prise en charge médicamenteuse. Toutefois, le remboursement des bandelettes et appareils lecteurs de glycémie dépend de l’état d’avancement dans la maladie. Seuls les patients sous multi-injections d’insuline, autrement dit les personnes atteintes soit de DT1, soit d’un DT2 à un stade plus avancé, reçoivent de quoi effectuer plusieurs contrôles par jour. Pour les patients diabétiques de type 2 non traités par insuline, la prise en charge par l’Assurance Maladie se limite à 200 bandelettes par an10. “Pour mieux prendre en compte l’hyperglycémie postprandiale, nous leur recommandons de se contrôler à 10 heures du matin, soit deux heures après le petit déjeuner, repas particulièrement glucidique”, précise le Pr Catargi. 


Source :

  1. Science Direct. Variabilité glycémique et hyperglycémie postprandiale. https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S1957255715302601. Dernier accès le 05.12.24. 
  2. Académie nationale de médecine. Séance dédiée au diabète et à la régulation de l’insulinémie. https://www.academie-medecine.fr/wp-content/uploads/2014/02/pages-65-78.pdf. Dernier accès le 29.01.25. 
  3. Assurance maladie. Complications du diabète : les fondamentaux. https://www.ameli.fr/assure/sante/themes/diabete-adulte/diabete-symptomes-evolution/complications-fondamentaux. Dernier accès le 05.12.24. 
  4. Inserm. Diabète de type 2. https://www.inserm.fr/dossier/diabete-type-2/. Dernier accès le 05.12.24. 
  5. Assurance maladie. Symptômes et diagnostic du diabète. https://www.ameli.fr/assure/sante/themes/diabete-adulte/diabete-symptomes-evolution/diagnostic-diabete. Dernier accès le 05.12.24. 
  6. Centre hospitalier de l’université de Montréal. Test de tolérance au glucose par voie orale. https://www.chumontreal.qc.ca/sites/default/files/2022-08/88-3-test-d-hyperglycemie-provoquee-par-voie-orale-75-grammes_0.pdf. Dernier accès le 29.01.25. 
  7. Assurance Maladie. Comment dépiste-t-on un diabète gestationnel chez une femme enceinte ? https://www.ameli.fr/assure/sante/devenir-parent/grossesse/difficultes-et-maladies-pendant-la-grossesse/diabete-gestationnel/depistage-diabete-gestationnel. Dernier accès le 29.01.25. 
  8. Science Direct. L’hyperglycémie provoquée par voie orale (HGPO) revisitée. https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S1957255710701243. Dernier accès le 29.01.25. 
  9. Fédération Française des diabétiques. L’HbA1c ou hémoglobine glyquée. https://www.federationdesdiabetiques.org/information/glycemie/hba1c. Dernier accès le 29.01.25. 
  10. Assurance Maladie. Bandelettes d’autosurveillance glycémique : indications et remboursements. https://www.ameli.fr/assure/remboursements/rembourse/medicaments-vaccins-dispositifs-medicaux/bandelettes-autosurveillance-glycemique. Dernier accès le 29.01.25. 

FR25DI00009 – Janvier 2025