L’importance et les complications des épisodes hypoglycémiques chez les patients diabétiques ont longtemps été sous-évaluées. Ils sont, aujourd’hui, mieux connus mais leur prise en charge doit s’améliorer. Si l’équilibre glycémique est un but à atteindre, une meilleure prévention reste nécessaire pour améliorer la perception des facteurs de risque des patients diabétiques.

L’hypoglycémie représente la complication aiguë que rencontrera le plus fréquemment un patient diabétique au cours de sa vie et ce, quel que soit le type de diabète considéré. Elle est redoutée par les patients et génère le plus souvent des conduites d’évitement ou des resucrages inadaptés, sources de rebonds hyperglycémiques et donc de mauvais contrôle glycémique. 
La fréquence réelle des hypoglycémies est difficile à déterminer, notamment en raison d’une définition non consensuelle. Habituellement, on retient le seuil de 0,70 g/L avec symptômes et le seuil de 0,60 g/L qu’il y ait ou non des symptômes d’hypoglycémie. Le caractère sévère de l’hypoglycémie n’est pas défini sur la valeur de la glycémie, mais sur la nécessité de faire appel à un tiers (le plus souvent la famille proche : conjoint, parent) pour effectuer le resucrage.
Le plus souvent, la fréquence des hypoglycémies est sous-estimée par les soignants, ainsi que l’impact dans la vie quotidienne1. L’étude DIALOG a déterminé la fréquence des hypoglycémies dans une population de près de 4 000 patients : 31,5 % des patients diabétiques de type 1 et 21,7 % des diabétiques de type 2 ont déclaré avoir présenté au moins une hypoglycémie sévère dans leur suivi2. La quantification des épisodes hypoglycémiques sur une période prospective montre une fréquence beaucoup plus élevée, globalement deux fois plus importante chez les patients diabétiques de type 12.

 Patients diabétiques de type 1
(n = 1317)
 
Patients diabétiques de type 2
(n = 1731)
 
Pourcentage de patients présentant au moins une hypoglycémie 85,3 %43,6 %
Pourcentage de patients présentant au moins une hypoglycémie sévère13,4 %6,4 %
Fréquence des hypoglycémies nocturnes40,2 %11,0 %
Fréquence des hypoglycémies diurnes82,7 %40,7 %
Fréquence des hypoglycémies asymptomatiques27,9 %7,7 %

 

Facteurs de risque

Les facteurs de risque d’hypoglycémie sont les antécédents d’hypoglycémie, la réalisation d’au moins deux injections d’insuline par jour, un traitement par insuline depuis plus de 10 ans, un indice de masse corporelle inférieur à 30 kg/m2 et, pour les patients diabétiques de type 2, l’utilisation de sulfamides et/ou de glinides (avec un risque multiplié par 2 à 8 selon les études, par rapport aux autres antidiabétiques oraux)2
Les signes cliniques de l’hypoglycémie peuvent être catégorisés en deux groupes. Le premier comprend les signes adrénergiques, qui apparaissent pour une glycémie inférieure à 0,60 g/L et qui correspondent à des signes d’alerte parmi lesquels on retrouve les sueurs, les tremblements, la sensation de faim, la pâleur, l’anxiété, la frilosité, les palpitations et les nausées. Les autres signes apparaissent pour un seuil de glycémie inférieur à 0,50 g/L et traduisent la privation neuronale en glucose, d’où leur appellation de symptômes neuroglucopéniques. On distingue parmi eux les troubles visuels, la faiblesse musculaire, les difficultés d’élocution et de concentration, les vertiges, l’incoordination, la pseudo-ébriété, la confusion pouvant aller jusqu’à la perte de connaissance, la comitialité et le coma3.

Les signes d'hypoglycémies

La répétition trop fréquente de malaises hypoglycémiques peut être responsable d’une atténuation voire d’un retard d’apparition des signes d’alerte. Ce défaut de perception des signes d’alerte est le principal facteur de risque d’hypoglycémies sévères et répétées ; il est présent chez près de 40 % des diabétiques insulino-traités, parmi lesquels 20 % gardent des signes d’alerte mais à un seuil diminué, et 20 % ne perçoivent absolument plus ces symptômes d’alerte4
Ceci explique pourquoi plus de 50 % des patients redoutent la survenue des hypoglycémies, notamment en période nocturne, comme rapporté dans l’étude DAWN25. Les patients diabétiques considèrent d’ailleurs les hypoglycémies comme un facteur majeur de dégradation de leur qualité de vie (pour 68,8 % des patients de plus de 50 ans et 43,5 % avant 18 ans). Ce ressenti est porté principalement par le risque de survenue d’un accident, en particulier sur le lieu de travail et/ou d’étude (62,2 % des patients), et par l’impression d’être un “fardeau” pour son entourage proche (58,7 % des patients)1
 

15 grammes de glucides, 15 minutes de contrôle  

La prévention des hypoglycémies doit donc être un temps essentiel dans la prise en charge des patients diabétiques. Le rôle du soignant sera de délivrer les messages adaptés quant au seuil d’hypoglycémie, mais également quant à la quantité (15 grammes suffisent le plus souvent) et à la qualité des glucides à utiliser pour le resucrage (glucides d’index glycémique élevé, en privilégiant des aliments sous forme liquide et si possible réfrigérés). Dans tous les cas, l’hypoglycémie étant une complication aiguë, elle impose au patient d’arrêter son activité et de contrôler l’évolution de sa glycémie après 10 à 15 minutes, avec un nouveau resucrage en cas de persistance de l’hypoglycémie, pouvant alors inclure des glucides d’index glycémique plus faible pour éviter les récidives. Le message simple “15/15” pour 15 grammes de glucides et contrôle à 15 minutes peut être un outil facile à comprendre et à retenir.
 

Patients diabétiques de type 1

L’utilisation de molécules à faible risque hypoglycémique chez le patient diabétique de type 2 (biguanides, inhibiteurs de la DPP-4, inhibiteurs des alpha-glucosidases, analogues du GLP-1) semble donc avoir une place privilégiée dans la prise en charge thérapeutique. Concernant les insulines, elles ont toutes un profil d’action différent de l’insuline humaine, produite par le pancréas endocrine. Les insulines d’action rapide, contrairement à l’insuline endogène, nécessitent un délai pour atteindre leur pic d’action et ont une action plus prolongée, exposant à un risque hypoglycémique pendant 5 à 6 heures après leur injection.
Le développement d’analogues rapides, de première puis de seconde génération, a amélioré ces profils, avec une exposition plus courte à l’insuline (3 à 4 heures) permettant de diminuer le risque hypoglycémique. Le profil d’action des insulines semi-lentes et lentes comprend un pic entre 4 à 8 heures après l’injection, avec une grande variabilité d’un jour à l’autre, exposant de manière importante au risque hypoglycémique. Le développement des analogues lents de l’insuline, de première puis de seconde génération, a permis de diminuer cette variabilité intra-individuelle et de fournir un profil d’action beaucoup plus plat, favorisant une diminution significative du risque hypoglycémique de près de 50 %.

Références :
Böhme P., Bertin E., Cosson E., Chevalier N., on behalf of the GEODE group 2013 Fear of hypoglycaemia in patients with type 1 diabetes: Do patients and diabetologists feel the same way ? Diabetes Metabolism 39: 63-70
2Cariou B., Fontaine P., Eschwege E., Lièvre M., Gouet D., Huet D., Madani S., Lavigne S., Charbonnel B. 2015 Frequency and predictors of confirmed hypogycaemia in type 1 and insulin-treated type 2 diabetes mellitus patients in a real-life setting: Results from the DIALOG study. Diabetes Metabolism 41: 116-125
3Goldgewicht C., Slama G., Papoz L., Tchobroutsky G. 1983 Hypoglycaemic reactions in 172 Type 1 (insulin-dependent) diabetic patients. Diabetologia 24: 95-99
4Radermecker R.P., Scheen A.J. 2004 Le coma hypoglycémique, un phénomène paroxystique redouté chez le patient diabétique de type 1. Revue médicale de Liège 59 : 265-269
5Kovacs Burns K., Nicolucci A., Holt R.I., Willaing I., Hermanns N., Kalra S., Wens J., Pouwer F., Skovlund S.E., Peyrot M., Group DS. 2013 Diabetes Attitudes, Wishes and Needs second study (DAWN2): cross-national benchmarking indicators for family members living with people with diabetes. Diabetic medicine: a journal of the British Diabetic Association 30: 778-788